L'AVENIR DES TOMATES ... (9)
     
tomates marmande, photo michel ducruet 2008
 
Ducruet.2008.©
 
     
 

Ils avançaient dans un labyrinthe d'enclos identiques, vides d'objets et d'êtres vivants, pleins de terreaux artificiels en attente de repiquages. Cette monotonie finit par devenir pénible. Cette serre était interminable. La mélodie du collier de métal s'interrompit. Il y eut quelques minutes de silence. Puis des alternances de sons brefs et longs. "Tiens! c'est nouveau! ..." David haussait les sourcils, il n'avait rien entendu de semblable. Les deux autres se rapprochèrent. François tendit l'oreille . " chut... ne dites-rien... "

Ali regardait autour d'eux, sentait une espèce de frisson dans le dos, comme la fois où il s'était retrouvé dans une maison fermée après un suicide. Il avait reçu des trains d'ondes assez violents pour penser que le drame collait aux murs, qu'une réverbération partait des parois, que les lieux cherchaient à se débarrasser du malheur, qu'il faudrait de longs mois d'ouverture aux vents et aux lumières pour que toute cette négativité se dilue. La morte était une femme de quarante ans qui savait énormément de choses, connaissait la médecine bien au-delà des pratiques courantes. Ceux qui l'avaient approchée, l'avaient trouvée intéressante et passionnée. Mais dès la deuxième ou la troisième rencontre on sentait qu'elle se fracassait quelque part. Elle supportait trop de blancheur autour d'elle. Ses vêtements débordaient de ceintures, de boutons, de fermetures... rigides, fermés aux amours et aux tendresses... Elle parlait trop de la méchanceté humaine, de la vie comme elle devrait être et de l'idéal... Elle avouait des mésaventures féroces. Elle entraînait dans les abysses de l'âme, on s'écartait... Il y a des gens qui sont des pentes fatales, qui plantent des bégonias sur les chemins où passent des troupeaux et accusent les dieux d'avoir fait les chèvres gourmandes... Un soir après une scène au repas, elle se releva du premier sommeil et descendit pour un verre d'eau... Elle râlait encore au petit matin, la dose ne laissait aucune chance, puis fut trouvée sur le carrelage de la salle de bain étroite, entre le linge sale et le paquet de lessive...

François de plus en plus concentré, comptait sur ses doigts ... O...P...E...N...E...R .... 2279-SOS-2279-TOMATOE-...... SOS-2279... Ils se regardaient sans comprendre, les pulsions sonores continuaient, tournaient en boucle. "On dirait un code d'accès... David se reprit... Une clé d'accès quelque part, un message transmis par une machine ou une balise." Ils revinrent à l'allée centrale. Ali ne voulait pas alarmer les deux autres et gardait pour lui ses sensations violentes, mais plus il tentait de les contrôler moins il prêtait d'attention à quoi que ce soit, ses compagnons faisaient de courtes apparitions sous ses yeux, il voyait le sol passer sous ses pas, il avançait sans savoir jusqu'à ce moment précis où loin, très loin il vit ce qui pouvait ressembler à un ver luisant dans une nuit d'été, une pointe minuscule de phosphorescence. Il reprit immédiatement toutes ses sensations. "Regardez là-bas cette lumière, elle n'est pas naturelle..." Ils se rapprochèrent les uns des autres et marchèrent à grande foulée vers ce lointain obscur d'où venait un signal bleu.

 
     
     
     
bateaux, ships, papiers de couleur. verneusses.photo michel ducruet 2008
     
     
P.............HOME/PAGE-ACCUEIL..........@..........NEXT/SUIVANTE..........RETOUR
     

 
Statistiques web