L'AVENIR DES TOMATES ... (10)
     
huile sur toile. détail. verneusses.michel ducruet
Ducruet.2008.©
     
 

Cette lumière brillait du même bleu que celle du collier que portait David, éclairait comme une étoile, sans relief. Ils marchèrent longtemps sous la voûte de cristal, les nuages avaient pris des reflets dorés, le bleu du ciel viré au gris foncé. Le soleil qu'ils ne voyaient plus, devait être sous l'horizon. La nuit survint. Il y eut autour d'eux un court moment de pénombre puis les murailles, le sol et quelque chose d'indéfinissable à hauteur d'une trentaine de mètres firent une lumière froide, portée par une sorte de vapeur, une fumée brillante qui suivait le tracé des chemins sans faire de bruit ni répandre d'odeur. Ils n'avaient jamais vu de lumière se déplacer sans direction apparente, ne sortir d'aucune lampe, s'installant comme un nuage intelligent au dessus des voies de passage... Ils eurent l'impression que cette fumée suivait la direction de leurs pas. Quand ils tournèrent sur leur droite en quittant la grande allée centrale, la luminescence vint s'installer au-dessus d'eux et s'évanouit ailleurs. Elle se réinstallait où ils allaient. Puis ils repartirent vers le signal bleu. François fit remarquer que plus ils avançaient plus on rencontrait de minuscules brins d'herbe sur la grande allée. Ali se pencha, cueillit un spécimen, sortit une loupe de son sac et le fit tourner entre le pouce et l'index, de plus en plus lentement et de plus en plus stupéfait. S'il s'était contenté d'équarquiller les yeux, les deux autres n'auraient guère été surpris, ils connaissaient sa passion des plantes et savaient qu'il avait passé des années à constituer des herbiers... Mais voilà qu'il tombait à genoux, que de la sueur lui venait au front, qu'il ouvrait la bouche sans prononcer un mot... Ils le regardaient, ne comprenaient pas... " Bon dieu, c'est fou....diabolique... C'est imposible.... Il avait le souffle coupé.... Qui a fait ça?" Puis il tendit son brin d'herbe et sa loupe... " Qui veut continuer?..." David se pencha " C'est quoi? ...." Il concentra son attention sur l'endroit précis d'où chaque brin se séparait de son voisin. Une boule minuscule s'y trouvait. Si l'on penchait un peu la plante on voyait que cette boule verte, grosse comme une lentille, était le sommet d'une tête miniature où deux orbites, une fosse nasale et une ébauche de dentition faisaient un crâne... que d'infimes maxillaires remuaient sans arrêt sur un dixième de millimètres... " Ca ne fait pas de bruit..." dit François... Le collier de métal se remit à grésiller, puis émit quelques successions de sons brefs et longs et se tut.

David cueillit quelques herbes de plus et ce fut encore le même spectacle. Jusque là ils n'avaient pas eu peur. La curiosité avait balayé leurs appréhensions, les cahiers qu'ils avaient récupérés dans la bonbonne de verre ne contenaient que de simples descriptions de paysages, de ruines curieuses et de passages tranquilles. Ils n'avaient rencontré que des animaux ordinaires, une faune et une flore rassurantes et là où ils avaient buté sur des traces de civilisation, ils n'avaient senti aucune menace... "Les rédacteurs des cahiers ne sont pas venus jusqu'ici... Tout indique qu'ils sont à peine rentrés dans la serre.... je pense qu'ils ne sont pas sortis du canal et qu'ils ont rebroussé chemin au bout d'une heure..." Ali avait retrouvé son calme. "On continue..." fit David. Il arrivèrent enfin sur une place carrée.

Un mur montait jusqu'à la verrière. Ce n'était ni du béton ni de la brique. Un granite rose poli comme les pierres de cimetière, des blocs d'un mètre cinquante jointés sans mortier, ajustés si près qu'il fallait se placer à vingt centimètres pour voir les rainures. Une saillie formait un carré de trois mètres sur trois. Une porte d'acier inoxydable, large de deux mètres faisait une paroi sans accident, un miroir sans distorsions. Au centre, une bille bleue presque immatérielle tenait au métal par un point minuscule. Pas d'inscription, pas de signe. David saisit la petite bille, elle tournait sur elle-même sans se détacher de sa paroi. Le collier se remit à grésiller. Il y eut ensuite un silence . Les successions de brèves et de longues reprirent brusquement.... " ... 2279-SOS-2279-..." On réentendit une mélodie gracieuse. La bille à son tour se mit à faire du bruit, à grésiller... Ils retenaient leur respiration... Elle clignota quelques secondes " SOS-2279-2279..." et devint orangée... Leurs jambes tremblèrent quand ils s'aperçurent que la porte massive se mettait à glisser vers la droite.... Elle découvrit une salle blanche sans fenêtres, son plafond sans luminaires éclairait devant eux un rectangle clair où des visages peints, saisis de tristesse, les regardaient. L'un d'entre eux, à demi caché par ce qui ressemblait à un écran monochrome, laissait voir un oeil bleu près d'un arc bleu, rouge et jaune qui figurait l'arc -en-ciel. Ces créatures féminisantes avaient des chevelures teintées en masses vives. Leur silence contrastait avec l'éclat des couleurs sur des fonds très clairs. Bien qu'immobiles, on les sentait poussées de l'intérieur, porteuses de quelque information décisive comme jadis dans les tombeaux d'Egypte d'autres créatures initiaient les morts à la mort.... Sur le côté ils virent une table lumineuse où des fruits verts avaient été rassemblés sur de petits carrés noirs.

 
     
tomates vertes, photo michel ducruet, 2008
Ducruet.2008.©
     
     
 
 
     
     
     
     
     
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