GENDARME EN COLERE ...
 
 
face cachée . photo michel ducruet ...............apprendre à lire et à écrire
Ducruet.©. 1996-2007
 
 

Figurez-vous qu'en Australie tout professeur qui frappe un élève passe automatiquement au tribunal. C'est la loi. Au Sénégal il est interdit d'avoir plus de quatre femmes. C'est la loi. Au Texas on peut acheter un fusil d'assaut chez l'épicier. C'est la loi. Quand les lois sont bonnes les hommes sont heureux et les gendarmes protègent la veuve et l'orphelin.

Il fut un temps où l'orthographe et le calcul étaient enseignés en France par des hussards qui tiraient les oreilles des enfants mal élevés. Ce fut une époque barbare où la Liberté posait des bonnets d'ânes sur les mauvaises têtes de l'Hexagone.
Georges Steiner dit quelque part que la langue allemande fut si déshonorée par les nazis, qu'elle en est morte, devenue régionale et impropre aux échanges. L'honneur du français se fait vieux, il s'étiole. J'ai vu des lycéens faire les yeux ronds à l'écoute des interviews du film "Le chagrin et la pitié", ne plus rien comprendre aux paroles ouvrières...
Prolétaires, paysans, pharmaciens et notaires tenaient leur langue bien en place, jusqu'aux années soixante, ayant été frottés de près par des instituteurs ou des curés qui ne mâchaient point leurs mots. Ils s'étaient trouvés honteux suffisamment de fois, peut-être avaient-ils porté un bonnet d'âne, reçu des baffes ... Ces générations-là tenaient à la propreté de leurs phrases comme à celle de leurs habits du dimanche, en tout cas, leurs comptes se faisaient aussi au café du commerce...

Les années quatre-vingt sont passées par là. Un ambitieux profita du mois de mai pour descendre une rose au Panthéon, fleurit le caveau de Jaurès et tordit un autre jour le cou de la Sociale, comme on le fait aux alouettes... Sur les décombres de leur bonne volonté, les Français se payèrent ou furent payés de mots. Puisqu'il fallait prendre son parti du chômage, se féliciter de ses dettes et vendre les bijoux de la grand-mère, de purs esprits de l'Egalité se rabattirent sur les femmes et les enfants, pendant que les vilains garçons de la Réalité jouaient à la Bourse et aux plans sociaux. La quintessence des luttes descendit sous le préau des écoles, et tout un peuple de pédagogues crut casser du bourgeois en cassant la grammaire... Ivresse du carnage, des vide-greniers... tels des ottomans dans Byzance ou des croisés à Jérusalem, on vint avec sa foi montrer de quel bois on se chauffait... Ce bois venait d'Amérique... Là-bas, des pélerins avaient inventé la "CHILD-CENTERED-ACTIVITY-BASED-LEARNING"... traduire " La pédagogie centrée sur l'élève..." Cette merveille consistant à encourager la construction de son savoir par l'élève lui-même, à mesure de ses désirs et de son rythme... Les Américains laissèrent tomber, s'apercevant que le système garantissait aux pauvres de rester sur la touche et aux riches de s'en sortir... Mais puisque nous étions en France, rien ne pressait pour nos chômeurs... La République n'ayant pas besoin de savants, l'gnorance devint tant bien que mal une marque de citoyenneté, le handicap, un mérite, l'aveuglement, une non-voyance, la surdité, un "mal-entendu"... L'orthographe, une obsession de rupins... La conjugaison, une folie destructrice... L'éducation, un service public, et la réussite, une entrée naturelle de l'existence... Projets d'élèves, projets d'établissements, projets de vacances... Une jeunesse perpétuelle saisit le petit monde des "apprenants"...

L'autre façon de faire le ménage fut de caler les petits yeux sur des tubes cathodiques et de boucher les jeunes oreilles avec des balladeurs... En moins d'une génération, le vocabulaire courant du damoiseau ou de la jouvencelle rejoignit celui des chimpanzés de laboratoire, niquer sa mère devint plus fréquent que l'épluchage des patates... On en est aujourd'hui à donner des cours de langue française aux polytechniciens... Des tuteurs expliquent aux "majeurs" qui débarquent à l'Université l'usage du livre et du calendrier... comptent avec eux sur les doigts le nombre de siècles qui séparent Azincourt de juin 1940... La Grande Révolution Pédagogique a bouclé sa boucle, on est sûr d'avoir fait table rase du passé... Pour faire la somme de leurs performances, les pédagos disposent désormais de 89 items d'évaluation des enfants au CP, ce qui permet qu'un tiers des entrés en sixième ne sache pas lire, un quart des bacheliers ne faisant guère mieux... On n'en finit donc jamais, du bonheur d'être ensemble, comme le disent en riant jaune les faits divers, et comme le crient les idéologues de l'éducation. La poire est mûre pour le commerce des diplômes : il coûtera fort cher d'apprendre la prose, et plus cher encore d'apprendre par coeur la liste des rois de France et celle des Républiques...

Pourquoi s'étonner qu'un morveux de 11 ans traite de "connard" un vieux cheval de collège ? il faut bien que les fils de gendarmes fassent l'apprentissage de la liberté... comme d'autres font tous les jours celui du Haschish, du racket, du couteau et du viol... L'égalité est à ce prix... la culture plurielle aussi... La sagesse n'a qu'un oeil, celui des inspecteurs des platanes ou des académies, celui des navigateurs au long cours de l'administration... On dit à Davos depuis trente ans qu'il suffit de 20% d'une tranche d'âge pour faire tourner la machine sociale et fondre les banquises... Le gendarme qui se paye un pédago ne fait que transmettre des ordres : tuez-les tous et qu'il n'en reste pas un pour nous le reprocher.

Pour ces raisons et bien d'autres je ne vois qu'un moyen d'amener les enfants du peuple à la science et à la conscience, c'est d'habiller tout le monde, car chacun sait qu'en France, l'insulte à l'uniforme est plus grave que l'insulte à la personne... que le carnet à souche est plus sérieux que le carnet de notes, que le baudrier fait la force et que de tous les couillons le plus remarquable est celui qui apprend à lire aux autres...


 
 
 
 
 
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