LE REGARD ....

Diane ducruet. 1979. Cannes.

Cannes, Parc Méro 1979.

............................Il arrive qu'une photographie tienne davantage que ce qu'elle promet. C'est une chance qui peut faire mal. Quoi de plus anodins que les enfants dans un jardin public? J'ai passé des heures à les regarder. A leur échelle les arbres sont sans limites, les petits recoins sont des royaumes. Ils s'isolent quand ils ont besoin de rêve ou se regroupent quand ils ont envie. Ma fille bougeait beaucoup, trouvait des copines et comme je ne sors jamais sans pellicule, je m'occupais de mon côté. Il n'arrive pas souvent dans ce genre de situation qu'on fasse bien mieux que ce qu'on a fait la fois précédente... Mais j'aime les photos surnuméraires parce que de toutes façons avec celles-là comme avec les autres on se raconte une histoire. Et puis se répéter déclenche des gestes inattendus, des coups d'oeil auxquels on ne pensait pas... On finit par apprendre quelque chose qui resservira...

Il y avait un banc bien placé sous un eucalyptus, il faisait un bon motif sur le fond d'une végétation tropicale. Elle jouait à la poupée. Je l'ai dérangée par hasard et j'ai pris la photo. On n'élève pas ses enfants pour soi, mais on se met trop loin ou trop près de leur tête et rarement à l'endroit de leur solitude. Ce qu'on leur donne est autre chose que ce qu'ils prennent. On les voit comme on les aime, à travers soi, en ratant le plus fort: leur secret. Ils sont déjà quelqu'un, pas un autre, et il n'est pas sûr qu'on saura qui ils sont, on n'est pas sûr qu'ils auront le temps ou les forces d'être celui-là au grand jour. C'est dans cette photographie que j'ai vu son clavier, qu'elle avait abondance de notes graves et que les aigües seraient saccadées , rieuses par effort, douloureuses en fait. Que la musique serait pleine de silences, que les mots viendraient en plus mais dans les moments de farniente, que la saisie de l'horreur et du reste aurait lieu, qu'elle serait gourmande dans les abattoirs et forte dans les compte-rendus. Ce n'est pas en vain qu'à six ans une fille regarde son père comme s'il était inachevé, se montrant mortel.

 
 
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