Ce que voit une vache eut des admirateurs au temps de Virgile. On se laissait aller à contempler la nature, très attentif aux détails et content de la Création. Les vents et les nuages se faisaient et se défaisaient. Les étangs s'habillaient des lumières du ciel et le soleil se posait partout. Les hommes et les bêtes respiraient ensemble, profitaient de leur santé pour se donner une descendance, étancher leur soif, manger dès que possible et prendre plaisir aux longues journées d'été. Le monde était si subtil que les cervelles se contentaient d'en user, prenant peur aux changements. Les hommes se fatiguaient deux heures par jour pour être riches et passaient le reste de leur temps à s'observer, se baiser et se distraire... A force d'user du pouce et de l'index ils se remuèrent les méninges et s'habituèrent à la Poésie.

L'Age d'or fait partie de nos bagages, nous sommes tentés de le ressusciter. en usant et abusant de notre savoir. Mais les vaches ne sont plus ce qu'elles étaient. Elles ne voient plus les mêmes choses, elles ne mangent plus au pré, elles portent des numéros comme tout ce qui a des jambes et des pattes dans l'hémisphère nord. On raconte qu'elles attrappent des maladies nerveuses, parfois sombrent dans la démence, finissent leur vie pendues par les pieds, électrocutées en vitesse et découpées à la tronçonneuse... Les hommes ne les fréquentent plus, ne s'inquiètent que de traçabilité quand ils se penchent sur des barquettes de polystyrène ou des étalages.