LES BANANES ET LES BOUTONS : GUERRE DES GENERATIONS...
     
     
funérailles en vitrine. Le Havre. photo michel ducruet.
 
Memory Buiseness. Ducruet.© . 2006
 
     

LA GUERRE DES GENERATIONS.

Dans la "Guerre des Générations", des vieux laissent tomber des peaux de bananes sur les marches de l'escalier social, des jeunes se cassent la figure entre les étages et cherchent en vain les boutons de l'ascenseur.

C'est une guerre où le corps à corps risque d'être sans pitié. D'ailleurs les médias qui s'y connaissent en spectacle, ont flairé la bonne affaire, ARTE y a déjà consacré un Théma... Une guerre sur fond de jeunes en colère et de vieilles biques claquant d'énormes retraites... Guerre de langues fourchues et de regards qui en disent long... Dans ce massacre des familles par elles-mêmes, je me régale à l'avance des futures télé-réalités, des conseils amoureux donnés par les banques, du ketchup des cuisiniers du malheur public : l'armée des psy, curés, enseignants, consultants, voyantes, sociologues du jour... Car je suis ignoble.

Vous avez deviné de quel côté je me chauffe, celui des sadiques... Je vais m'éclater en voyant les demeurés jouer des jambes et trembler du menton parce qu'ils mordent papa et maman au lieu de gifler l'Etat, la Banque et la Jet-set. Ils ne sont pas doués, ces plaignants de la classe moyenne... Ils n'ont pas deviné que pousser en chambre individuelle, avec téléphone portable, téléviseur, ordinateur, pompes de marque sur la moquette et pyjamas fleurant la soupline, coûtait bonbon à la collectivité... Les ados c'est le blé de France-Télécom, 25% de la dépense des familles et quinze pour cent de la population... Faut-il parler des "études" élémentaires prolongées jusqu'à 20 ans, de toutes les friandises pédagogiques à la gloire de l'enfant-roi et du jeune apprenti de l'autonomie. Ce confort s'accompagne d'une espérance de vie multipliée par deux. Leurs "assassins" de parents les ont privés de soupes, de culottes courtes les jours de gel, de corvées d'eau, de la compagnie des vaches, de la musique des usines à quatorze ans, de cinq fautes = 0 dans les dictées et de coups de pieds au derrière en cas de neurasthénie... Ce n'est rien en comparaison de ce qui se prépare... quand les vieux claqueront, que quelques lycées seront transformés en hospices, que faire des héritages ? D'abord de ces montagnes de livres épuisants parce que sans images... qui donnent mal à la tête au bout d'une demi-heure... qu'il faut transporter à la main... Que faire des pavillons invendables et de tant de résidences secondaires... Il y en aura tellement sur le marché qu'on les aura pour le prix d'un voyage au Népal... Ne parlons pas de l'entretien des cimetières, plus coûteux que celui des jardins publics malgré les économies de la crémation...

Soyons clairs : les jeunes générations doivent s'attendre à perdre la moitié de ce qui avait été gagné de1950 à 2000... donc à posséder le triple de la richesse de 1930...

C'est une sacrée bonne affaire, compte tenu du solde de la guerre mondiale et de la surproduction de pillules et de préservatifs qui aident au dépeuplement... Faut-il faire un peu d'Histoire? De 1914 à 1945 il y eut de quoi s'inquiéter... D'où l'audace des lendemains de guerre: Etat-Providence, transferts sociaux, nationalisations, technocrates sous l'oeil des élus.... Ca marchait si bien qu'une génération suffit à refaire des gosses, loger tout le monde, remplir les bas de laine, se débarrasser du fardeau colonial... Mais vers 70-75, pendant qu'on rêvait de plages pour faire l'amour et pas la guerre, les malins de la finance passent à la vitesse supérieure : engraisser les actionnaires plus vite que les humbles... Capitaliser à mort pour lancer de l'électronique, de l'informatique et autres astuces réductrices de main d'oeuvre, permettant des pieds de nez au pacte social de 1945. Les classes populaires trinquent depuis à la santé de Giscard, du libre-échange et du dollar livrés à eux-mêmes : chômage massif, indignité, silence, dés-encadrement syndical, politique, religieux, perte de liens et multiplication des chaînes (de télé)... relance de la pauvreté et des ghettos, pertes des repères, flexibilité, culpabilisation, loto, grattages, clopes, bières et cassettes porno à profusion...

Cette strangulation des peuples fut orchestrée avec la bénédiction des médias, dans l'extase des classes moyennes, persuadées de tirer les ficelles et de lancer leurs rejetons sur le grand tapis vert de la réussite... De faux prophètes et distingués camelots comme Yves Montand, Alain Minc, Christine Ockrent et diverses anciennes du bal des débutantes rivalisèrent de salive et de gros plans pour faciliter l'échange des meubles de famille contre les bouts de plastique et les gadgets des « temps nouveaux », l'idéologie débile des sportifs dopés... Tel fut le sort de trop nombreux parents de nos trop malheureux trentenaires. La « main invisible » du Grand Marché n'en finit toujours pas de forcer les hommes au Bonheur, aussi infaillible que Bush à Bagdad...

Mais voilà, 30% des français se croient fils de famille parce qu'ils ont traîné sur des cours de récréation, fumé des américaines et fréquenté les universités, sucrés-salés de pédagogie centrée sur l'élève... Leurs bons maîtres, abandonnés à l'indulgence, fort ignorants des luttes nécessaires, les ont lâchés dans la volière sociale en souriant, car disaient-ils, « La Nature est bonne, l'homme est bon, les droits de l'homme sont bons... et l'école n'est pas méchante.» Hélas pour les pédagogues, l' humanité ne tourne pas plus autour de l'élève que l'Hexagone ne tourne autour de Clermont-Ferrand ... la Chine étant le véritable « empire du milieu », le sous-continent indien débordant de fakirs et d'informaticiens... Ces jeunes pour y voir clair, devront fermer les yeux sur papa et maman car les chats ne font pas des chiens, et les enfants de l'amour ne sont pas toujours des flèches... Ce qui veut dire que l'ennemi n'est pas à la cuisine , mais quelque part dans leur tête, entre toutes sortes de frites et autres bricoles à tromper le monde, lâchées par les puissants et attelant les ânes. Individualisme exacerbé, Amnésie des guerres sociales, de la Géopolitique, des intérêts communs , mémoire palissée sur l'esclavage, les génocides, les identités exotiques, les minorités entretenues avec soin... Passages de la Raison aux sentiments... Amnésie des littératures, intraveineuses de parlotes citoyennes et autres redressements de torts pour débiles moyens, bains de culpabilité pour demi-cons : " nos ancêtres, les vilains...", morale du buiseness et buiseness de la morale, conjugaisons à la première personne du singulier... " Moi, je pense personnellement que..." ... Les cocus du libéralisme ( aussi vertigineux que ceux du communisme globalement positif) devraient éviter de loucher sur la chambre des parents...

Qu'ils jettent un oeil sur les comptes-rendus des conseils d'administration et autres musiques financières, la distribution de l'amour et de l'eau fraîche en Palestine, qu'ils prennent conscience de l'extrême difficulté d'en finir avec un monde et d'en commencer un autre... Car ce qui nous échappe presque toujours, c'est l'Histoire...

 
visages du destin. Le Havre. photo michel ducruet.
 
 
Destin. Ducruet.© . 2006
 
     
     
     
     
P.................HOME/PAGE-ACCUEIL........@......NEXT/SUIVANTE........RETOUR
     
     
     
     
 

Statistiques web