LA QUERELLE DES IMAGES
carrelage normand. photo michel ducruet. verneusses.
Carrelage Normand XIXème siècle
 

La question est encore posée. Pour ou Contre les images? C'est une question de fond, c'est la question de confiance. Elle remonte à la nuit des temps quand il s'est agi de savoir si la Divinité, c'est à dire l'essence du monde , avait une apparence. Il y a eu rupture et conflit entre les hommes. Ce fut irréductible comme la rupture et les conflits entre nomades et sédentaires. Là où ils furent assez confiants dans leurs propres forces, les hommes n'ont pas trouvé bizarre de donner du volume et du poids à leurs pensées, d'injecter les effets de leur imagination dans les statues, de projeter leurs visions sur les murs. Les inventeurs de la géométrie et de la raison ne furent pas honteux des muscles d'Héraclès, du casque d'Athéna, du trident de Poséïdon. Le rusé Ulysse avait donc des adversaires et des supporters dont nous connaissons le portrait.

Le Dieu unique et vengeur de la Bible, Allah tout puissant sont insaisissables à coups de crayons ou avec un pinceau...On ne peut pas les modeler dans l'argile ou les tailler dans la pierre. On peut tout juste graver leurs paroles sur les tables de la loi ou calligraphier les versets du Coran. Ceux qui les craignent ont décidé une fois pour toutes que c'était une folie de les représenter.

Il y aurait donc deux sortes de mondes. Celui où tout est visible, où tout doit être montré. C'est le nôtre et il devient nécessairement obscène. Puis il y a l'autre où rien d'essentiel ne peut sauter aux yeux, ni Dieu ni le corps des femmes, un monde qu'Allah crée encore...

     
Masaccio
Matisse
Malevitch
     

Les choses, pourtant, ne sont pas si tranchées.

Dès le XVème siècle Masaccio ne peint plus des icônes. La tête de Saint Pierre ne manque pas d'ambigüité parce que c'est déjà la tête de tout le monde ou plutôt celle d'un individu qui vit et qui pense. Nous sommes dans le singulier bien plus que chez les prophètes. Le vrai propos de cette image c'est par les ombres et la perspective de fixer les codes d'un espace à trois dimensions où l'homme est doué de raison et pourvu de mathémathiques. Il peut diriger son regard dans un monde où les lois physiques font connaître les entreprises divines.

Matisse ne rêve pas et ne s'occupe du monde que pour le tromper. Cette femme sans son chapeau et sa robe n'est plus qu'un petit van Gogh qui aurait imité un petit Ver Meer. C'est qu'il s'agit de préparer la Peinture à rendre d'autres services, la débarrasser du plaisir ancien de la représentation pour que, dans l'espace dénué de perspective, soient libérées des énergies primordiales. C'est que l'homme n'est plus au centre physique du monde, que l'espace est devenu celui d'Einstein et de Poincarré, que les commencements et les fins ne sont plus dans les Ecritures mais dans quelques équations géniales. On ne peut plus, dans ce monde là, toucher du bois pour avoir de la chance... en faire le tour pour le connaître... C'est un monde qui brille et ne chauffe pas, comme les étoiles...Il faut s'y faire.

Malevitch fait sauter la bourgeoise comme on fit sauter dans le panier la tête de Louis XVI. Il n'y a plus que le Peuple et des idées à revendre. Aller au fond de la Peinture c'est la vider de tous prétextes, de toutes intentions, de toute morale, de toute histoire pour donner au peuple nouveau-né les instruments nécessaires au rejet du passé et à l'invention de l' homme nouveau...Ce puritanisme absolu fait de la peinture une pure technologie. Hélas les peuples apprennent moins vite que leurs exploiteurs... 100 ans après Malevitch ferait très bien chez Hewlett-Packard , mais on ne l'imagine toujours pas aux Restaurants du Coeur...C'est peut-être que quelque part les peuples veulent garder leur enfance... qu'ils ne sont pas pressés de voir.

Dieu n'a rien à craindre. La Peinture ne risque pas de le coincer sur Terre. Un des beaux Musées du monde se trouve à Téhéran : jalousement protégés par des ayatollahs, les peintres occidentaux du XXème siècle y sont montrés avec tous les égards...C'est qu'à force de chasser la religion de la Peinture, puis d'en chasser la morale et la politique, plus aucun tableau digne de ce nom ne risque en occident d'être regardé au premier degré, que toute oeuvre peinte, même figurative est ressentie comme une abstraction, comme l'ouverture sur un ailleurs. Le monde sous les yeux n'existe plus...ou alors c'est franchement dégueulasse et transitoire. Ca se passe à la télé, dans les films X,en Palestine, aux sommets du G8 et au réunions du FMI. Quel artiste brûlerait d'y donner son temps? Trop d'images... plus d'image.

     
Nébuleuse du crabe
 
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